Le triomphe et la chute des dinosaures
Un livre captivant écrit par Steve Brusatte, spécialiste du sujet, qui fait de la vulgarisation scientifique de haut vol. Un ouvrage sur les dinosaures qui se dévore!
Métier paléontologue
L’auteur est américain, paléontologue à l’université d’Edimbourg en Ecosse et spécialiste des dinosaures. Il a parcouru toutes les régions du monde à la recherche de fossiles et a nommé plus de quinze nouvelles espèces, dont le tyrannosaure Picocchio rex. Au fil des chapitres, il nous fait part non seulement des dernières découvertes de ce domaine passionnant de la paléontologie, mais il émaille aussi son texte de succulentes anecdotes de terrain en brossant le portrait de nombreux scientifiques rencontrés au fil de ses recherches. Son livre est passionnant et se lit comme un roman policier.
Les archosaures dominent le monde
L’histoire s’ouvre sur le monde du Trias, la première grande époque de l’ère secondaire (ou l’ère des dinosaures), il y a 250 millions d’années. Ce monde vient d’être dévasté par des éruptions volcaniques gigantesques qui ont provoqué la plus grande extinction massive de l’histoire de notre planète. 70 à 95 % de toutes les espèces animales terrestres et marines qui vivaient quelques millions d’années plus tôt, à la fin de l’ère primaire, ont disparu.
Les reptiles survivants de la catastrophe vont profiter de ce monde décimé pour s’emparer des très nombreuses niches écologiques laissées vacantes. Sur la Pangée, le grand et unique supercontinent du Trias, un groupe de reptiles va vite commencer à s’imposer : les archosaures. Contrairement à leurs ancêtres, ils adoptent une position redressée, leurs pattes avant et arrière se situant dorénavant directement sous leur corps qui n’est donc plus au contact direct avec le sol. Cette position leur donne de gros avantages, comme pouvoir courir plus vite, être plus efficace dans la chasse et permettre de se déplacer sur de plus grandes distances.
Dès le début du Trias, les archosaures évoluent en deux grandes lignées, encore représentées actuellement: les pseudosuchiens, dont les descendants sont les crocodiles et les avemetatarsaliens qui donneront les ptérosaures (reptiles volants maintenant disparus) et les dinosaures dont les descendants sont les oiseaux.
Les dinosaures et les archosaures coexistent
Les dinosaures descendent donc directement des archosaures avemetatarsaliens et apparaissent il y a environ 230 millions d’années. Au Trias, ils sont loin de dominer le monde, comme ils le feront à partir du Jurassique. Ils sont petits, occupent assez peu de niches écologiques et leur nombre d’espèces est assez réduit.
Au Trias, le monde est hostile aux dinosaures. L’ancêtre des grenouilles, des crapauds, des tritons et des salamandres d’aujourd’hui, le Metoposaurus, était un amphibien de 3 mètres de long et de 350 kg qui rôdait autour des points d’eau à l’affût de proies et qui n’aurait fait qu’une bouchée des modestes dinosaures de l’époque. Pourtant les véritables maîtres du monde durant les cinquante premiers millions d’années de l’ère secondaire sont les archosaures de la lignée des crocodiliens (pseudosuchiens). Ils prospèrent, se diversifient et développent une grande variété d’espèces, occupant tous les terrains, sous tous les climats. Ils étaient partis pour durer quand soudain…
Des éruptions volcaniques gigantesques provoquent le début de la fragmentation de la Pangée et une nouvelle extinction de masse se produit et marque le passage entre le Trias et le Jurassique il y a environ 200 millions d’années. Cette extinction, bien que moins importante que la précédente, 50 millions d’années plus tôt, élimine de nombreuses espèces d’amphibiens et de reptiles. Les archosaures de la lignée des crocodiliens en prennent un sacré coup, comme les archosaures avemetatarsaliens pourtant parfois très proches morphologiquement des dinosaures. Ceux-ci par contre, sans que l’on comprenne vraiment pourquoi, profitent de ce chamboulement environnemental pour prospérer. Au début du Jurassique, ils deviennent les véritables maîtres de la planète. Une domination qui ne sera jamais remise en question durant les 135 millions d’années suivantes, soit jusqu’à la fin de l’ère secondaire.
Les mastodontes du Jurassique et du Crétacé
Dès le début du Jurassique, les dinosaures investissent immédiatement les places laissées libres par les espèces disparues et colonisent tous les environnements, des régions humides aux déserts les plus arides. Ils deviennent rapidement plus abondants, plus grands, plus diversifiés.
Les sauropodes, les dinosaures à long cou, se répandent sur tout le globe et vont atteindre des tailles gigantesques et un poids dépassant les 30 tonnes. Ces monstres du Jurassique seront encore surpassés durant le Crétacé par des espèces comme Argentinosaurus, un titanosaure de 30 mètres et de plus de 50 tonnes. Ces animaux sont les plus grands et les plus lourds n’ayant jamais foulé la Terre. Les éléphants, les plus grands et les plus lourds des animaux actuels, pèsent souvent entre cinq et six tonnes, leur poids pouvant parfois monter jusqu’à un peu plus de dix tonnes. Des minus face aux mastodontes du Jurassique et du Crétacé !
L’évolution avait doté les plus grands sauropodes de caractéristiques morphologiques qui leur ont permis d’atteindre de grande taille. Steve Brusatte évoque cinq caractéristiques essentielles. 1. Un long cou. Il a permis aux sauropodes d’atteindre des hauteurs élevées dans la végétation, inaccessibles aux dinosaures plus petits, et d’accéder à une nouvelle ressource alimentaire. Grâce à la longueur de leur cou, ils pouvaient également avaler les dizaines de kilos de feuilles par jour dont ils avaient besoin sans vraiment se déplacer, gagnant ainsi en efficacité énergétique. 2. Une croissance rapide. Les sauropodes pouvaient passer de vingt centimètres à plus de vingt mètres de longueur en seulement 30 ou 40 ans. 3. Un système respiratoire très performant, pour alimenter en oxygène leur corps immense. Il ressemblait beaucoup à celui des oiseaux actuels. 4. Des os creux, mais très solides. Cela réduisait le poids du squelette et permettait aux grands sauropodes de bouger relativement facilement. 5. Une capacité à évacuer leur chaleur interne, indispensable pour une telle masse corporelle.
Les dinosaures et la dérive des continents
La dérive des continents a joué un rôle important dans l’évolution des dinosaures. Si le supercontinent Pangée a commencé à se fragmenter à la fin du Trias (-200 millions d’années), les terres émergées étaient encore largement connectées entre elles à la fin du Jurassique. C’est pour cette raison qu’on trouve les mêmes espèces de dinosaures partout sur la planète, jusqu’à la fin du Jurassique (-145 millions d’années).
Au Crétacé, la Pangée est presque complètement fragmentée et de nombreuses terres s’isolent les unes des autres. Les dinosaures se retrouvent eux aussi isolés et évoluent différemment en fonction des caractéristiques environnementales des régions où ils se trouvent. Les espèces n’ont donc plus de répartition mondiale. Ainsi les tyrannosaures géants sont apparus dans l’ouest de l’Amérique du Nord il y a environ 84 millions d’années et ne se retrouvent exclusivement que sur ce continent et en Asie. Les dinosaures du Crétacé finissent par devenir très différents des dinosaures du Jurassique et se diversifient : le nombre d’espèces à cette époque n’a jamais été égalé auparavant. Le Crétacé est l’âge d’or des dinosaures. La dérive des continents y a beaucoup contribué.
T. rex, la superstar des dinosaures
Steve Brusatte consacre un chapitre entier à Tyrannosaurus rex, «le roi des dinosaures» comme il l’appelle. Il nous apprend qu’on a retrouvé une cinquantaine de squelettes, dont certains presque entiers. C’est bien plus que la plupart des autres espèces de dinosaures. Il s’agit du plus grand prédateur de toute l’histoire du vivant sur notre planète, exerçant ainsi une fascination sur les scientifiques et le grand public. C’est pour toutes ces raisons qu’on connaît aussi bien T. rex.
Il était énorme : adulte il mesurait 13 mètres et pesait 8 tonnes. Sa tête à elle seule dépasse 1.5 mètre. Sa peau était épaisse et écailleuse, avec des plumes pointant entre ses écailles. Il devait manger une grande quantité de viande chaque jour. Surtout à l’adolescence, entre 10 et 20 ans, où il prenait en moyenne 2 kilos par jour ! Et contrairement aux mauvaises rumeurs qui courent à son encontre, il n’était pas charognard. Sauf exception, lorsque l’opportunité se présentait. Il était bien prédateur, sa morphologie taillée pour la chasse parle pour lui. Il a vécu tout à la fin du Crétacé, il y a 68 à 66 millions d’années. C’est la chute de l’astéroïde à la fin de l’ère secondaire qui l’a fait disparaître, comme tous les autres dinosaures, à l’exception des oiseaux.
Les dinosaures sont parmi nous !
L’auteur consacre également dans son livre un chapitre entier sur la relation entre les dinosaures et les oiseaux. Il arrive à nous convaincre que les oiseaux sont des dinosaures. Ce sujet très intéressant fera l’objet d’un post à part entière sur ce GéoBlog.
Steve Brusatte conclut son livre avec la disparition des dinosaures en décrivant une scène grandiose de ce qu’aurait pu vivre une meute de T. rex situés en Amérique du Nord au moment de l’impact de l’astéroïde qui a frappé la Terre il y a 66 millions d’années. Et il finit par répondre aux questions suivantes : pourquoi tous les dinosaures, à l’exception des oiseaux, ont disparu lors de cet événement ? Et pourquoi les oiseaux, eux, ont survécu ?
J’espère que ces quelques lignes vous auront mis l’eau à la bouche et que vous avez maintenant envie d’en connaître plus sur cette extraordinaire histoire des dinosaures. N’hésitez donc pas à passer chez votre libraire favori pour commander cet excellent ouvrage de vulgarisation scientifique, accessible à tous.
Source:
Le triomphe et la chute des dinosaures – La nouvelle histoire d’un monde oublié (2021) de Steve Brusatte aux éditions Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 356 p..
Et si vous désirez en connaître plus sur le monde du Trias, il y a ce magnifique séjour au Monte San Giorgio.